Retour sur les conférences « Tourisme & climat »

A l’automne dernier, la Communauté de Communes des Montagnes du Giffre a organisé un cycle de conférences visant à initier une première réflexion sur le futur de l’économie touristique, pilier essentiel du territoire.

Les deux conférences consacrées aux impacts du changement climatique et à l’économie touristique des Montagnes du Giffre, ainsi que l’atelier participatif visant à identifier des leviers d’action par type de clientèle, ont généré de nombreux échanges entre les participants. Ces informations constituent une ressource précieuse pour éclairer les décisions liées à l’adaptation du territoire aux transformations en cours.

© Olivier Lestien / Conférence du 14 novembre à Samoëns, accueil du public par Jean-Charles MOGENET, maire de Samoëns et Stéphane BOUVET, président de la Communauté de Communes, accompagnés d’Yves BRUNOT, vice-président en charge de l’aménagement du territoire, et de Martin GIRAT, vice-président en charge du tourisme.

Une activité touristique intrinsèquement liée aux valeurs spécifiques du territoire

Dans son ouvrage publié en 1916, en pleine période de classement des sites emblématiques du fond de la vallée, l’abbé Marie Rannaud étudie « l’histoire de la localité de Sixt destinée à devenir un centre d’excursions pour les amateurs des magnificences naturelles ». Ces propos visionnaires illustrent les facteurs de développement d’une activité touristique qui apparait dès le début du 19ème siècle dans les Montagnes du Giffre. Le territoire connait alors un premier âge d’or touristique dont l’apogée correspond à l’extension de la ligne ferroviaire du CEN entre Annemasse et Sixt-Fer-à-Cheval en 1925.

Historiquement structuré autour des monuments naturels de la vallée, le tourisme connaît un tournant majeur dans les années 1960, adoptant un modèle économique axé sur le tourisme alpin hivernal, le ski. Cette transition engendre une rentabilité financière considérable pour le territoire, coïncidant avec la disparition de la ligne ferroviaire et l’expansion des véhicules individuels, ce qui entraîne une transformation significative de l’organisation, de l’aménagement, de l’attractivité ou encore de la sociologie du territoire.

Cette évolution se caractérise en particulier par un développement important des activités ludiques et sportives de montagnes, en hiver et en été, structurant un tissu sociale reposant sur un modèle de pluriactivité. Les atouts géographiques et paysagers de la vallée constituent aujourd’hui une valeur patrimoniale exceptionnelle qui génère une fréquentation touristique conséquente, se répartissant sur une période qui va au-delà de la bi-saisonnalité hiver-été.

© Olivier Lestien / Conférence du 14 novembre à Samoëns, animée par Gilles BRUNOT (sur la photo), Chef du centre Météo France à Chamonix et Jean-Philippe VINCENT, chargé d’études à la Direction Départementale des Territoires (DDT) de la Haute-Savoie.

Des bénéfices qui concernent l’ensemble du territoire

Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), la contribution directe du tourisme au PIB mondial est de l’ordre de 3,1%. Cette estimation concerne la somme des valeurs directement générée par les industries touristiques (immobilier, hébergement, restauration, agences de voyage, transport de passagers, activités culturelles…). Si l’on considère les effets indirects et induits des activités touristiques sur les secteurs du bâtiment, du transport, de l’énergie ou de l’alimentation, la contribution globale du tourisme à l’économie représente, toujours selon l’OMT, 9,8% du PIB mondial.

A l’échelle des Montagnes du Giffre, Guillaume CROMER, gérant de la société ID-Tourisme, dévoile lors de la conférence du mardi 28 novembre organisée à Sixt-Fer-à-Cheval, que « les retombées économiques directes génèrent environ 167 millions d’euros par an, réparties aux 2/3 en hiver et 1/3 en été ». Mis en corrélation avec les données de l’OMT, ce montant laisse apparaitre un volume de contribution globale du tourisme à l’économie locale qui pourrait représenter près d’un demi-milliard d’euros pour le territoire des Montagnes du Giffre.

Ce chiffre met en exergue « le puissant moteur économique que représente le tourisme pour les habitants du territoire » grâce aux effets induits par les recettes que cette activité génère. Cependant, il met également en lumière « la dépendance marquée du territoire à cette industrie, dont les impacts globaux, qu’ils soient perçus comme positifs ou négatifs, sont fréquemment sous-estimés ».

Des facteurs de vulnérabilité aux fortes conséquences pour le territoire

Les présentations de Gilles BRUNOT, Chef du centre Météo France à Chamonix et de Jean-Philippe VINCENT, chargé d’études à la Direction Départementale Territoriale (DDT) de la Haute-Savoie, lors de la conférence organisée à Samoëns le mardi 14 novembre, font apparaitre « les impacts importants du réchauffement climatique sur le niveau d’enneigement des domaines skiables et la remontée de ce dernier à des altitudes plus hautes, ceci se traduisant par une contraction de la surface utile des domaines ».

Si les changements à l’œuvre sont complexes et difficiles à caractériser, les conséquences se traduisent par des phénomènes climatiques très contrastés et irréguliers qui mettent toutefois sérieusement en péril le modèle économique établi au cours des 50 dernières années. Pour Guillaume CROMER, « la fermeture partielle des remontées mécaniques, pour des raisons liées aux effets du changement climatique, aurait des répercussions en cascade sur l’ensemble du tissu économique de la vallée (école de ski, hébergement, restauration, immobilier, commerce, bâtiment…), et au-delà, sur la fiscalité locale et le niveau des services publics ».

© CCMG / Conférence du 28 novembre à Sixt-Fer-à-Cheval, animée par Guillaume Cromer, gérant de la société ID-Tourisme.

Identifier les leviers de la transition

Face à une telle situation, certaines initiatives émergent depuis plusieurs années pour faire évoluer l’offre touristique dans le cadre de démarches de diversification ou d’exploitation des ailes de saison. Si certaines solutions peuvent paraitre séduisantes, plusieurs questions centrales demeurent :

  • Peut-on déterminer un modèle économique, qui soit à la fois lucratif et compatible avec la préservation de l’identité et des ressources locales ?
  • Dans quelle mesure est-il envisageable de planifier un nouveau modèle qui générerait autant de revenus ?
  • Quel revenu maximisé pourrait réellement générer le territoire en adoptant un modèle de reconversion ?

Guillaume CROMER propose d’explorer une double approche pour orienter la transition et la résilience du territoire : « Pour faire face à ce défi, il s’agirait de réorienter le tourisme hivernal tout en diversifiant les activités économiques locales ».

Le premier axe consiste à compenser la perte de revenu par d’autres activités touristiques en hiver et toute l’année. « Cela nécessite de définir une ambition collective pour la destination et de déterminer une cible prioritaire que l’on cherchera à satisfaire à travers une offre se déclinant toute l’année ». Cette option a été explorée dans le cadre de l’atelier organisé le mardi 12 décembre à Mieussy. Il s’agissait alors de déterminer le cœur de cible le plus en phase avec l’identité du territoire. Bien que les avis soient assez divergents sur le choix de la cible prioritaire, un consensus semble s’orienter vers une cible familiale de « tribus authentiques », sensible aux valeurs du territoire, à son authenticité, sa convivialité, son accessibilité, et qui a le mérite d’assurer un renouvellement des clientèles.

Le second axe cherche à compenser la perte de revenu par une réduction de la dépendance au secteur du tourisme à travers l’accompagnement d’une diversification des activités économiques, reposant sur les atouts locaux : artisanat, agriculture de montagne, industrie, bois foresterie… Cette démarche vise à offrir des conditions de résilience du territoire accrues face à l’ampleur des changements à l’œuvre.

© CCMG / Le 12 décembre à Mieussy, présentation de la démarche « Demain Savoie Mont-Blanc » par Christelle Ferrière, directrice adjointe à l’agence Savoie Mont-Blanc, puis atelier d’échanges avec Guillaume Cromer, gérant de la société ID-Tourisme.

Mettre en place des organisations collectives efficientes

Les conférences et ateliers ont permis de partager certains constats et de révéler l’intérêt des participants à envisager une redéfinition des projets de développement touristique conventionnels, en les orientant vers des approches plus globales et transversales de l’avenir du territoire, intégrant une exploitation qui se devra d’être consciente et plus modérée dans la consommation des ressources locales.

Certaines problématiques liées à l’accès des résidents permanents au logement et aux services, à la conversion des résidences secondaires, à la mobilité, au développement économique et à l’équilibre de l’ensemble des politiques sectorielles entre elles, incluant la préservation des ressources locales, des paysages et des patrimoines, « nécessitent ainsi d’aborder le devenir du territoire à une échelle qui dépasse largement le prisme de l’économie touristique ».

Ce travail collectif est engagé par la Communauté de Commune à travers l’élaboration d’un « Projet de territoire » – qui débutera au printemps 2024 – visant à assimiler l’ensemble des sujets dans leur complexité, intégrant l’interdépendance des enjeux, dans le but de définir une ambition politique commune à l’échelle des Montagnes du Giffre !

« La Communauté de Communes tient à remercier chaleureusement les structures partenaires – et les intervenants pour leur sérieux et la qualité de leur présentation. Merci aussi aux communes de Samoëns, Sixt-Fer-à-Cheval et Mieussy pour l’accueil et la mise à disposition des salles. La collectivité salue également les médias locaux, en particulier Radio Giffre, Le Dauphiné et Le Messager, qui ont contribué à la communication autour de cet évènement, ainsi que toutes les personnes qui sont venues écouter, poser des questions et échanger avec bienveillance sur l’avenir de la vallée ».

+ d’infos

Promotion du Tourisme
Lise LOPES
l.lopes@montagnesdugiffre.fr

Projet de Territoire
& Opération Grand Site
Mathieu BATTAIS
m.battais@montagnesdugiffre.fr

04 50 47 62 00